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Les propositions pour réduire les délais en matière pénale

Pénal - Vie judiciaire, Procédure pénale
07/05/2021
Un rapport a été remis au ministre de la Justice pour apurer les stocks de dossiers non jugés, massivement alourdis par la crise sanitaire et la grève des avocats contre la réforme des retraites. Il préconise notamment l’extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
En janvier 2021, le garde des Sceaux  a annoncé le lancement d’un groupe de travail pour proposer des mesures visant à la résorption des stocks (v. Réduire les délais de jugement : un groupe de travail mis en place, Actualités du droit, 4 févr. 2021). Rapport publié le 3 mai 2021. 43 recommandations y sont faites. Trois parties : un volet civil, un volet pénal et la question de la participation des avocats aux audiences de jugements.
 
Focus sur les propositions en matière pénale. Quelles alternatives pour réduire les délais de traitement de la Justice ?
 
 
Quid des alternatives aux poursuites ?
Le rapport liste les alternatives aux poursuites existantes, à savoir les stages, l’interdiction de paraître, les CJIP, composition pénale, etc. Ces mesures sont « déjà fortement mises en œuvre par les parquets et doivent à cet égard être encouragés ». Précision : en 2019, les réponses alternatives représentaient 40,3 % des réponses pénales.
 
Ainsi, alors que les alternatives aux poursuites constituent un champ en expansion (voir la loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale instaurant de nouvelles alternatives aux poursuites, v. Justice de proximité et réponse pénale : la loi au Journal officiel, Actualités du droit, 9 avr. 2021), leur recours est très important et les marges de progression paraissent « difficiles et très limitées ».
 
 
Extension de la CRPC : seul levier puissant de résorption de stock
De nombreuses alternatives aux audiences « classiques » existent : la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, l’amende forfaitaire délictuelle ou encore la procédure de CRPC et de CRPC sur défèrement.
 
« L’ensemble des membres du groupe, à l’exception du barreau de Lille, marque sont intérêt pour le développement de la CRPC et de la CRPC-défèrement comme moyen de participer à une politique de régulation des flux de dossiers de poursuites et de résorption des stocks ». Déjà, car cette procédure permet d’examiner un nombre plus élevé de dossiers en un temps identique tout en préservant les intérêts de la partie civile. Ensuite, car la procédure donne du sens à la peine, proposée puis acceptée par le prévenu. 
 
Pour que cette procédure soit étendue, le groupe de travail propose des évolutions législatives, à savoir :
- la modification des trames utilisées par les OPJ pour proposer à la personne faisant l’objet d’une COPJ, la procédure de CRPC (recommandation n° 26) ;
- l’obligation de réponse de la part du procureur (recommandation n° 27) ;
- la simplification du formalisme de l’article 495-15 du Code de procédure pénale par la suppression de la mention d’une demande par LRAR (recommandation n° 28) ;
- l’élargissement du champ de cet article en l’étendant aux poursuites par procès-verbal et aux ORTC (recommandation n° 29) ;
- la possibilité, à tout moment, de pouvoir réorienter en CRPC tant que le tribunal n’a pas débuté l’examen au fond (recommandation n° 30) ;
- la modification de l’article 180-1 du Code de procédure pénale pour ne plus soumettre à l’accord de la partie civile l’orientation d’un dossier d’information judiciaire en CRPC (recommandation n° 31) ;
- le renforcement du recours à cette procédure par la réforme de l’aide juridictionnelle (recommandation n° 32) ;
- la création d’une procédure sur reconnaissance préalable de culpabilité au niveau de la cour d’appel « dès lors que l’appel du condamné porte exclusivement sur le peine (ab initio) ou à la suite d’un désistement sur la culpabilité et permettre au ministère public de prendre l’initiative de la proposition ».
 
Aussi, la CRPC peut être développée par de nouvelles pratiques. Concrètement le rapport recommande d’assurer l’information en amont de l’audience, à l’intéressé, de la proposition de peine et de renforcer le dialogue entre le parquet et le barreau sur la mise en œuvre de la procédure (recommandation n° 34).
 
 
D’autres recommandations en matière pénale
Autre axe : l’audience sur intérêts civils. Le rapport propose alors, pour éviter une charge importante pour le greffe, de « permettre, lorsque le juge pénal n’a pas statué immédiatement sur l’action civile ou ne s’est pas réservé le traitement de l’action civile à l’occasion d’une audience de renvoi à bref délai, la possibilité de renvoyer le contentieux des intérêts civils pour être examiné selon les règles procédurales civiles de droit commun » (recommandation n° 35).
 
Le groupe de travail favorise ensuite le co-audiencement des dossiers chronophages avec le barreau. Cette proposition, impliquant une anticipation et un engagement des juges d’instruction quant à la clôture de leurs dossiers, permettrait d’anticiper la réservation des créneaux d’audience (recommandation n° 36). Également, la généralisation de la pratique de l’audience de fixation est recommandée pour limiter et encadrer le nombre de renvoi (recommandation n° 37).
 
Enfin, le rapport veut simplifier le travail du greffe en dématérialisant les actes de procédure pénale, à droit constant ou avec des évolutions normatives. Certains ressorts expérimentent un nouveau mode de délivrance des citations et à terme, de transmission des décisions pénales à signifier. La simplification pouvant ainsi se faire grâce aux évolutions applicatives de la procédure pénale numérique (recommandation n° 38).
 
 
Une amélioration du traitement des dossiers civils
Sur le plan civil le groupe de travail a fait de nombreuses recommandations pour accélérer le procès, simplifier le traitement des affaires, améliorer qualitativement le traitement des contentieux.
 
Éric Dupond-Moretti a d’ailleurs annoncé le recrutement de 1 000 personnels supplémentaires (juristes assistants et renfort de greffe) dans les trois mois pour réduire les délais de justice. Objectif d’ici 3 ans : la réduction des délais à 6 mois (ils sont actuellement de 14 mois en première instance et 17 mois en appel, RTL, 3 mai 2021).
 
 
Notons qu’un important projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire va être discuté à l’Assemblée nationale en séance publique à compter du 17 mai 2021 (v. Confiance dans l’institution judiciaire : quels changements côté procédure juridictionnelle ?, Actualités du droit, 15 avr. 2021). Plusieurs objectifs : mieux faire connaître le fonctionnement de la justice, renforcer les droits des citoyens à chaque étape de la procédure juridictionnelle, redonner du sens à la peine et mieux préparer la réinsertion du détenu (v. Confiance dans l’institution judiciaire : quel impact en droit pénitentiaire ?, Actualités du droit, 15 avr. 2021) et renforcer la confiance dans l’action des professionnels du droit (v. Confiance dans l’institution judiciaire : du nouveau pour la déontologie des professionnels du droit, Actualités du droit, 16 avr. 2021).
 
 
Source : Actualités du droit