Retour aux articles

Le Conseil d' État valide la mise en oeuvre de la vidéosurveillance en détention

Pénal - Procédure pénale, Vie judiciaire
29/07/2016
En se fondant sur les nouvelles dispositions relatives à la vidéosurveillance en détention, issues de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'état d'urgence et en vigueur à la date de la présente décision, le Conseil d'État rejette le référé-liberté formé par l'une des personnes mises en examen à la suite des attentats de Paris. Il estime que ni les dispositions légales, ni la mesure individuelle ne portent une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.
L’un des auteurs présumés des attentats de Paris et Saint-Denis du 13 novembre 2015, placé en détention provisoire, est placé sous vidéosurveillance continue le 17 juin 2016, sur décision du garde des Sceaux, pour une période de trois mois renouvelable.

Le tribunal administratif de Versailles est saisi, par voie de référé-liberté, d'une demande de suspension de la mesure de surveillance. Rappelons que cette procédure (C. just. adm., art. L. 521-2) permet au juge, en cas d’urgence, d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.

L'intéressé invoque notamment une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, tel que protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, par : Par ordonnance du 15 juillet 2016, le juge des référés rejette la demande de suspension. Par requête du 25 juillet 2016, l'intéressé interjette appel devant le juge des référés du Conseil d’État (C. just. adm., art. L. 523-1). La nature de l’affaire le justifiant, l'appel est jugé, comme en première instance, par une formation collégiale (C. just. adm., art. L. 511-2).
La loi du 21 juillet 2016 autorisant désormais légalement la mesure dont l’intéressé a fait l’objet, les juges des référés estiment que les griefs formulés contre l’arrêté du 9 juin 2016 et la décision du 17 juin 2016 n’avaient plus de portée devant eux, puisqu’en effet, le juge du référé-liberté se prononce sur la situation qui lui est soumise, compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il statue.

Le Conseil d’État estime que « l’article 58-1 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui réserve la mise en place des systèmes de vidéosurveillance continue aux situations qui l’exigent et la soumet à une procédure contradictoire, prévoit son réexamen régulier assorti d’un contrôle médical, limite notamment sa portée par des dispositifs garantissant l’intimité de la personne et encadre strictement, tant l’usage qui est fait des données, ainsi recueillies que les personnes habilitées à en disposer, n’est pas, [en lui-même], manifestement incompatible avec les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ».

S’agissant de la validité de la mesure prise concrètement, au regard des circonstances particulières de sa détention, le juge relève à la fois « le caractère exceptionnel des faits [poursuivis], qui ont porté à l’ordre public un trouble d’une particulière gravité [et] le contexte actuel de poursuite de ces actes de violence terroriste, [qui] font, à la date de la présente décision, obligation à l’administration pénitentiaire de prévenir, avec un niveau de garantie aussi élevé que possible, toute tentative d’évasion ou de suicide de l’intéressé ». Compte-tenu de « la forte présomption selon laquelle [l’intéressé] peut bénéficier du soutien d’une organisation terroriste internationale disposant de moyens importants, et alors même qu’il n’aurait pas manifesté à ce jour de tendance suicidaire, sa surveillance très étroite, allant au-delà de son seul placement à l’isolement », le Conseil d’État estime que la mesure revêt, à la date de la présente décision, un caractère nécessaire.

Le Conseil d’État souligne enfin que l’administration devra statuer sur le maintien de la mesure de vidéosurveillance continue au plus tard à l’échéance de la durée de trois mois prévue par la décision du 17 juin 2016, est également en mesure de s’assurer régulièrement de son bien-fondé, notamment, ainsi qu’il a été rappelé à l’audience, par l’existence d’une surveillance médicale régulière.
Cette circonstance et les modalités de mise en œuvre de la vidéosurveillance (mise en place de dispositifs permettant de respecter l’intimité de la personne, absence de transmission ou d’enregistrement sonore, usage de caméras à infrarouge pendant la nuit, absence de dispositif biométrique couplé, limitation de la durée de conservation des images et encadrement de leurs droits d’accès) conduisent à considérer que la mesure contestée ne porte pas une atteinte au droit au respect de la vie privée du requérant manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été établie.

Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir que la mesure dont il fait l’objet serait manifestement incompatible avec les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne et n’est, pour les mêmes motifs, pas davantage fondé à soutenir qu’elle serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
Source : Actualités du droit