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Surpopulation carcérale et conditions de détention : plusieurs facteurs doivent être globalement envisagés

Pénal - Procédure pénale
07/01/2021
La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 15 décembre 2020 que l’appréciation du caractère indigne des conditions de détention en cas de surpopulation carcérale relève d’un ensemble de facteurs devant être globalement envisagés. 
Un homme est placé en détention provisoire. Après une première prolongation de la détention, le JLD décide d’en ordonner une nouvelle. Un appel est formé contre cette ordonnance. Le détenu soutient que ses conditions de détention sont indignes.
 
Pour rappel, dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation a jugé que des conditions indignes de détention pouvaient constituer un obstacle à sa poursuite. Elle affirmait à cette occasion que la chambre de l’instruction devait faire procéder à des vérifications complémentaires pour en apprécier la réalité (Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81.739, P+B+R+I, v. Libération d’un détenu pour conditions de détention indignes : c’est désormais possible !, Actualités du droit, 8 juill. 2020).
 
Au cas d’espèce, un rapport du chef d’établissement a été transmis suite à un arrêt de la chambre de l’instruction ayant ordonné des vérifications sur les conditions de détention de l’intéressé. Ce dernier dispose d’une surface personnelle au sol de 3,83 m2, dans une cellule avec une fenêtre, des équipements pour satisfaire aux besoins essentiels de la vie quotidienne. Aussi un seul mur présente des moisissures, le respect de l’intimité est assuré, le détenu passe 6 heures 30 par jour hors de sa cellule en semaine, il a accès à la cour de promenade et à la bibliothèque une fois par semaine et dispose d’un accès effectif aux soins. Enfin, l’administration justifie de mesures diverses et réitérées pour lutter contre la présence de nuisibles. Les juges du second degré « en concluent que les conditions de détention de M. X... ne peuvent être considérées comme indignes et justifier sa mise en liberté », ils décident de confirmer l’ordonnance de prolongation du JLD.
 
Un pourvoi est formé. L’intéressé dénonce une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
 
La Cour de cassation, dans un arrêt du 15 décembre 2020, rappelle que selon cet article 3, « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». La CEDH a jugé que dans le cas de surpopulation carcérale, chaque détenu placé en cellule collective « doit bénéficier d’une surface personnelle minimale au sol de 3 m² hors installations sanitaires » (CEDH, 20 oct. 2016, req. n° 7334/13, Mursic c. Croatie et CEDH, 30 janv. 2020, req. n° 9671/15, J.M.B. et autres c. France, v. Surpopulation carcérale : la France épinglée par la CEDH, Actualités du droit, 6 févr. 2020).
 
À défaut, le manque d’espace personnel donne lieu à une forte présomption de violation note la Cour. « Celle-ci ne peut normalement être réfutée que si tous les facteurs suivants sont réunis : les réductions d’espace personnel par rapport au minimum requis sont courtes, occasionnelles et mineures, elles s’accompagnent d’une liberté de circulation suffisante hors de la cellule et d’activités hors cellule adéquates et l’établissement pénitentiaire offre, de manière générale, des conditions de détention décentes et le détenu n’est pas soumis à d’autres éléments considérés comme des circonstances aggravantes de mauvaises conditions de détention ».
 
Ainsi, quand l’espace personnel est compris entre 3 et 4 m², d’autres aspects des conditions de détention doivent être pris en considération pour examiner le respect, ou non, de l’article 3. Il s’agit notamment de la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, de l’aération, de l’accès à la lumière et à l’air naturel, etc. Aussi, « concernant les installations sanitaires et l’hygiène, les détenus doivent jouir d’un accès facile à ce type d’installation, qui doit leur assurer la protection de leur intimité et ne pas être seulement partiellement cloisonné ». Enfin, la présence d’animaux nuisibles doit être combattue. Au-delà de 4 m², « le facteur spatial ne pose pas de problème en lui-même et les autres aspects de ses conditions matérielles de détention demeurent pertinents ».
 
La Cour de cassation déduit alors que « l’appréciation du caractère indigne des conditions de détention en cas de surpopulation carcérale relève d’un ensemble de facteurs devant être globalement envisagés ».
 
Elle décide de rejeter le pourvoi estimant que la chambre de l’instruction a bien appliqué les principes et normes définis par la CEDH. Les conditions de détention de l’intéressé ne sont pas indignes.

 
La Cour de cassation avait déjà rejeté le pourvoi formé contre un arrêt rejetant une demande de mise en liberté fondée sur des conditions de détention indignes. Le caractère précis, crédible et actuel des conditions permettant de constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne n’était pas réuni (Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 20-84.886, P+B+I, v.  Demande de mise en liberté et conditions personnelles de détention, Actualités du droit, 26 nov. 2020). Elle a aussi confirmé le rejet d’une demande de mise en liberté fondée sur un risque élevé pour la santé et la sécurité du demandeur en période de crise sanitaire, le demandeur soutenant une violation des articles 2 et 3 de la CEDH (Cass. crim., 19 août  2020, n° 20-82.171, P+B+I, v. Détention provisoire, crise sanitaire et demande de mise en liberté, Actualités du droit, 26 août 2020).

 
 
Source : Actualités du droit