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Majeurs protégés et JAP : l’absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur n’était pas conforme

Civil - Personnes et famille/patrimoine
Pénal - Procédure pénale
12/02/2021
Les règles anciennes encadrant l'audience de l'aménagement des peines sont contraires à la Constitution, en ce qu'elles ne garantissaient pas les Droits de la défense des majeurs protégés. Aucune disposition n'imposait au juge d'informer le tuteur ou le curateur. 
Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’alinéa 1er de l’article 712-6 du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 24 novembre 2009. Il prévoit que les décisions relatives aux mesures d’application des peines décidées par le juge de l’application des peines (JAP) par voie de jugement sont rendues à l’issue d’un débat contradictoire, au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public, les observations du condamné et celles de son avocat. « Devant ce juge, le condamné est amené à effectuer des choix qui engagent la défense de ses intérêts, qu'il s'agisse de celui de faire appel à un avocat, de renoncer au débat contradictoire ou de présenter des observations » précise le Conseil constitutionnel.
 
Le requérant soutient que ces dispositions ne prévoient pas, lorsqu’un condamné majeur protégé doit comparaître devant le juge de l’application des peines, l’information de son tuteur ou de son curateur, ce qui pourrait conduire l'intéressé à opérer des choix contraires à ses intérêts. Cela méconnaîtrait les droits de la défense.
 
Le Conseil constitutionnel affirme alors qu’aucune disposition n’impose au JAP d’informer son tuteur ou curateur lorsque le condamné est un majeur protégé, afin qu’il puisse l’assister en vue de l’audience. « Or, en l'absence d'une telle assistance, l'intéressé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles, et ainsi opérer des choix contraires à ses intérêts » concluent les Sages.
 
La première phrase du premier alinéa de l’article 712-6 du Code de procédure pénale doit donc être déclarée contraire à la Constitution. Néanmoins, les dispositions ne sont plus en vigueur. Mais la remise en cause des mesures sur ce fondement aurait des conséquences « manifestement excessive », elles ne peuvent donc être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
 

Le Droit a changé
Notons que la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, JO 26 déc., v. Justice pénale : quelques modifications législatives, Actualités du droit, 4 janv. 2021) a comblé cette lacune. Il est dorénavant prévu que lorsque le condamné est un majeur protégé, son curateur ou tuteur est obligatoirement avisé de la date du débat contradictoire devant avoir lieu devant le JAP.
 
Concrètement, le nouvel article 712-16-3 dispose que : « Lorsque le condamné est une personne majeure faisant l'objet, conformément à l'article 706-112, d'une mesure de protection juridique, son curateur, son tuteur ou la personne désignée (…) est avisé de la date du débat contradictoire prévu à l'article 712-6 ou de l'audience prévue à l'article 712-13. Ce curateur, ce tuteur ou cette personne peut faire des observations écrites ou être entendu comme témoin par la juridiction de l'application des peines, sur décision de son président. Le condamné doit être assisté d'un avocat, désigné par lui ou l'une de ces personnes ou, à la demande du juge de l'application des peines, par le bâtonnier, conformément à l'article 706-116 ». 
 
 
 
Le 15 janvier dernier, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnel l’article 706-113 du Code de procédure pénale retenant une méconnaissance du principe d’inviolabilité du domicile. Le législateur va devoir prévoir l’obligation d’aviser le curateur ou le tuteur en cas de perquisition au domicile d’un majeur protégé (Cons. const. QPC, 15 janv. 2021, n° 2020-873, v. Perquisition au domicile d’un majeur protégé : quid de l’information du tuteur ou de curateur ?, Actualités du droit, 20 janv. 2021).
 
Source : Actualités du droit