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Indemnisation des accidents de la circulation : le fauteuil roulant électrique n’est pas un véhicule terrestre à moteur

Affaires - Assurance
Civil - Responsabilité
12/05/2021
En visant spécifiquement la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007, la Cour de cassation affirme qu'un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d'une personne en situation de handicap, n'est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi Badinter qui réserve une protection particulière à cette catégorie d'usagers de la route.
 
Faits et solution

En l’espèce, une personne à mobilité réduite et souffrant d'une hémiplégie droite est victime d’un accident de la circulation alors qu’elle se déplace en fauteuil roulant électrique. Dans l’accident est impliqué un véhicule assuré par la société Areas dommages. 

Assigné en indemnisation, l’assureur refuse sa couverture au motif que la victime aurait commis une faute exclusive de son droit à indemnisation.

À l'occasion du pourvoi formé par mémoire distinct et motivé contre l'arrêt limitant son droit à indemnisation, la victime a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour de cassation a rejetée (Cass. 2e civ., 1 oct. 2020, n° 20-14.551).

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a qualifié le fauteuil roulant électrique de véhicule terrestre à moteur, limitant ainsi le droit à indemnisation de la victime dont la faute a contribué à la survenance de son préjudice (le fait d’avoir traversé en sortie de rond-point à proximité d’une zone commerciale). La cour relève que ledit fauteuil est « muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, de sorte qu'il avait vocation à circuler de manière autonome ».

Ainsi, est-il possible de qualifier un fauteuil roulant électrique, permettant le déplacement extérieure d’une personne handicapée, de véhicule terrestre à moteur au sens de la loi Badinter ?

La Cour de cassation répond par la négative au visa des articles « 1er, 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tels qu'interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 ». Après avoir rappelé les dispositions des articles précitées, la Cour souligne que « par l'instauration de ce dispositif d'indemnisation sans faute, le législateur, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d'usagers de la route, à savoir les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap ». Enfin, elle en déduit « qu'un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d'une personne en situation de handicap, n'est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 ».

Éléments d’analyse

Parmi les raisons de la non transmission de la QPC au Conseil constitutionnel, figure le manque du caractère sérieux de la question tiré de l'absence d'interprétation jurisprudentielle des dispositions contestées. Cette question a été tranchée par la présente solution.

Pour mémoire et comme le précise la cour elle-même, les victimes des accidents de la circulation ne sont pas soumises à un traitement identique. Certaines victimes non-conductrices (L. n° 85-677, 5 juil. 1985, art. 3, al. 2) bénéficient d’une protection renforcée qui ne peut être écartée qu’en cas de faute inexcusable (difficile à démontrer et très rarement retenue : Cass. 2e civ., 30 juin 2005, n° 04-10.996 ; Cass. 2e civ., 28 mars 2019, n° 18-14.125). Plus protégées encore sont les victimes non-conductrices âgées de moins de 16 ans, ou de plus de 70 ans, ou celles dont le taux d'invalidité est au moins égal à 80 % (L. n° 85-677, 5 juil. 1985, art. 3, al. 3) : seule la faute intentionnelle leur est opposable. En revanche, la faute simple est opposable à la victime conductrice, de sorte que son admission peut limiter voire exclure son indemnisation.

En l’espèce, la cour d’appel a suivi l’argument de l’assureur en qualifiant de véhicule terrestre à moteur le fauteuil roulant, en en désignant ainsi la victime comme conductrice.

La Cour de cassation infirme l’arrêt visant explicitement la Convention internationale des droits des personnes handicapées : le fauteuil roulant est avant tout un dispositif médical destiné au déplacement d'une personne en situation de handicap, qu’importe qu’il puisse éventuellement correspondre à la définition de l’article L. 211-1 alinéa 1 du Code des assurances. Ainsi, c’est la qualification de la personne victime de l’accident qui prime et qui déteint sur la qualité du dispositif qu’elle utilise pour se déplacer. Et par corolaire détermine l’étendue de son indemnisation. 
 
Source : Actualités du droit