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Article 2224 du Code civil : point de départ du délai de la prescription extinctive

Civil - Responsabilité
03/03/2022
Dans un arrêt du 9 février 2022, la Chambre commerciale se prononce sur le point de départ de l’action en responsabilité de l’article 2224 du Code civil initiée à l’encontre d’une banque qui aurait octroyé un prêt dépassant les capacités financières de l’emprunteur.
Faits et solution

En l’espèce, un particulier a conclu une promesse d'achat portant sur un bien immobilier, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt.

Le 19 janvier 2010, il a refusé de signer l'acte notarié de vente, estimant que le prêt obtenu était excessif au regard de sa situation financière obérée. S’estimant lésé, les vendeurs et l'agence l'ont assigné en réparation de leur préjudice respectif.

En première instance puis en appel, le promettant est condamné à indemniser les vendeurs en raison de la rupture fautive du contrat de vente ainsi que l'agence immobilière au titre de sa perte de chance de percevoir sa commission. En parallèle, les juges du fond déclarent irrecevable car prescrite l'action en responsabilité par lui engagée le 22 décembre 2014 à l'encontre de la banque qui aurait accordé à tort le prêt sans considération de ses capacités financières.

Le promettant se pourvoit alors en cassation en arguant que « la prescription d'une action en responsabilité délictuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation ». En effet, si le point de départ est celui « de l'octroi du crédit et de ses conséquences juridiques et financières, dont [le promettant] avait eu connaissance dès le mois de novembre 2009 » son action est prescrite. Au contraire, si l’on retient la date de l’assignation par les vendeurs et l’agent immobilier comme le moment où le dommage s’est manifesté, le délai de prescription de cinq ans de l’article 2224 du Code civil n’est pas dépassé.
La Chambre commerciale confirme cette deuxième solution. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 2224 du Code civil précité, les Hauts magistrats cassent l’arrêt d’appel en estimant que « le dommage dont M. Z [le promettant] demandait réparation ne s'était pas manifesté aussi longtemps que les vendeurs et l'agent immobilier n'avaient pas, en l'assignant, recherché sa propre responsabilité, soit au plus tôt le 3 septembre 2010, de sorte que, à la date des assignations qu'il a lui-même fait signifier à la banque et au courtier, les 19 et 22 septembre 2014, la prescription n'était pas acquise ».

Éléments d’analyse

Selon l’article 2224 du Code civil « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». En l’espèce, pour la Cour d’appel, le dommage du particulier résulte « de l'octroi d'un financement et ses conséquences juridiques et financières » et non pas des décisions de justice, tout en soulignant au préalable que « le point de départ du délai est la date de la réalisation du dommage ou de sa révélation à la victime si celle-ci n'en avait pas eu connaissance auparavant ». En d’autres termes, pour les juges d’appel, le point de départ de la prescription doit se situer au moment où la personne a refusé d’honorer le compromis de vente. Or, se sont bien les assignations des vendeurs et de l’agent immobilier qui marquent le moment de la connaissance du dommage par le titulaire de l’action (3 septembre 2010) et donc le point de départ du délai de cinq ans pour intenter l’action en responsabilité.

Cette solution peut être rapprochée d’une autre, rendue plus tôt cette année par la Première chambre civile. Selon cette solution l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur qui découle de la disproportion de son engagement, se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de l'emprunteur de payer les sommes dues en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle de ladite disproportion (Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-17.325). Le point de départ de la prescription ne s’apprécie donc pas, comme l’avait décidé la cour d’appel, au jour de la conclusion des engagements.
 
Source : Actualités du droit