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L'accord UE/Canada sur le transfert de données de passagers aériens incompatible avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union

Pénal - Droit pénal spécial
Transport - Air
31/07/2017
Sont incompatibles avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les dispositions du projet d'accord sur le transfert des données des dossiers passagers (PNR) signé avec le Canada en 2014. Tel est le sens d'un avis rendu par la CJUE le 26 juillet 2017.
 
L'accord envisagé permet le transfert systématique et continu des données PNR de l'ensemble des passagers aériens à une autorité canadienne en vue de leur utilisation et de leur conservation, ainsi que de leur éventuel transfert ultérieur à d'autres autorités et d'autres pays tiers, dans le but de lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité transnationale. A cet effet, l'accord envisagé prévoit, entre autres, une durée de stockage des données de cinq ans ainsi que des exigences en matière de sécurité et d'intégrité des données PNR, un masquage immédiat des données sensibles, des droits d'accès aux données, de rectification et d'effacement et la possibilité d'introduire des recours administratifs ou judiciaires. Les données PNR peuvent, entre autres, révéler un itinéraire de voyage complet, des habitudes de voyage, des relations existant entre deux ou plusieurs personnes ainsi que des informations sur la situation financière des passagers aériens, leurs habitudes alimentaires ou leur état de santé, voire fournir des informations sensibles sur ces passagers.

Dans son avis, la Cour relève ainsi que le transfert des données PNR de l'Union vers le Canada ainsi que les règles de l'accord envisagé sur la conservation des données, leur utilisation et leur éventuel transfert ultérieur à des autorités publiques canadiennes, européennes ou étrangères comportent une ingérence dans le droit fondamental au respect de la vie privée. De même, l'accord envisagé comporte une ingérence dans le droit fondamental à la protection des données à caractère personnel.

S'agissant du caractère nécessaire des ingérences, la Cour considère que plusieurs dispositions de l'accord ne sont pas limitées au strict nécessaire et ne prévoient pas des règles claires et précises.

La Cour considère également que d'autres dispositions de l'accord envisagé sont incompatibles avec les droits fondamentaux, à moins que celui-ci ne soit révisé pour mieux encadrer et préciser les ingérences.

Étant donné que les ingérences que comporte l'accord envisagé ne sont pas toutes limitées au strict nécessaire et ne sont pas ainsi entièrement justifiées, la Cour en conclut que l'accord envisagé ne peut pas être conclu sous sa forme actuelle.

On notera que c'est la première fois que la Cour doit se prononcer sur la compatibilité d'un projet d'accord international avec la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

Par Vincent Téchené
 
Source : Actualités du droit