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Déclaration d’appel par RAR : il ne fallait pas anticiper l’entrée en vigueur de la réforme !

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
20/10/2017
La Cour d’appel de Rouen jongle avec les différentes réformes de l’appel, de droit commun et propres à la matière prud’homale, pour se prononcer sur la recevabilité d’une déclaration d’appel faite devant elle avant le 1er septembre 2017, par un avocat parisien, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Faits et procédure. — Dans le cadre d’un contentieux du travail, un appel est interjeté contre le jugement du conseil de prud'hommes du 22 février 2017. Le recours est exercé par le salarié, par l’intermédiaire de son avocat, par l’expédition d’une lettre recommandée avec accusé de réception, parvenue au greffe de la cour le 7 avril 2017.
Le 16 mai 2017, le président chargé de la mise en état constate l'irrecevabilité de l'appel. Une requête en déféré est déposée le 26 mai 2017. Le requérant sollicite un sursis à statuer jusqu'à l'avis de la Cour de cassation sur la question de savoir si une déclaration d'appel peut ou non être adressée par lettre recommandée et, à défaut, demande à la cour de dire que sa déclaration d'appel est régulière.

Représentation obligatoire en appel. — La Cour d’appel de Rouen rappelle d’abord qu’en application des dispositions de l'article R. 1461-2 du Code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (D. n° 2016-660, 20 mai 2016, JO 25 mai), l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par les articles 900 suivants Code de procédure civile, sous réserve de dispositions particulières (voir « Dispositions de la réforme du contentieux prud’homal entrées en vigueur le 1er août 2016 », Actualité du 31/08/2016). L’appelant devait donc être représenté devant elle, ce qui était bien le cas en l’espèce.

Compétence de l’avocat parisien. — De plus, en vertu de l'article L. 1453-4 du Code du travail, dans sa version issue de la loi dite « Macron » du 6 août 2015 (L. n° 2015-990, 6 août 2015, JO 7 août), les parties doivent désormais, en cas d’appel en matière prud’homale, se faire représenter par un avocat ou un défenseur syndical. La Cour d’appel de Rouen mentionne également le fait que les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, JO 5 janv.), dans sa rédaction modifiée par la loi dite « Macron » (précitée), entrées en vigueur le 1er août 2016 (voir « Entrée en vigueur des nouvelles règles en matière de postulation », Actualité du 01/08/2016) ; ne s'appliquent pas devant les cours d'appel statuant en matière prud'homale.
Ceci, conformément aux deux avis rendus par la Cour de cassation le 5 mai 2017, dans lesquels elle a énoncé que l’application des dispositions du Code de procédure civile relatives à la représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale n’implique pas la mise en œuvre des règles de la postulation devant les cours d’appel, les parties pouvant être représentées par tout avocat, si elles ne font pas le choix d’un défenseur syndical. Aussi, la Cour était dès lors d’avis que les règles de la postulation ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire (Cass. avis, 5 mai 2017, no 17-70.004 et n° 17-70.005 ; voir « Contentieux du travail : pas de postulation en appel », Actualité du 09/05/2017). Aussi, en l’espèce, l’appelant pouvait bien être représenté, devant la Cour d’appel de Rouen, par un avocat inscrit au Barreau de Paris.

Communication électronique. — La Cour de Rouen s’attache ensuite à la communication électronique devant la cour d’appel, en rappelant qu’en application de l'article 930-1 du Code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2016-891 du 6 mai 2017 (D. n° 2017-891, 6 mai 2010, JO 10 mai), les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, à peine d'irrecevabilité relevée d'office.
Mais lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel doit être remise en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux.
La Cour d’appel de Rouen note qu’ « il est constant que les avocats extérieurs aux barreaux de la Cour devant laquelle la procédure est pendante n'ont pas accès à la communication par voie électronique (RPVA) et qu'ils doivent en conséquence procéder à la remise des actes de procédure au greffe ». Dès lors, le conseil du salarié appelant pouvait bien procéder par voie de « remise ». Or celle-ci s'entend d'une « remise physique constatée par visa daté du greffier ».

Application de la réforme dans le temps. — Il est vrai que l’article 930-1 du Code de procédure civile a été modifié récemment, par le décret du 6 mai 2017 (précité), pour prévoir la possibilité, en cas d’impossibilité d’utiliser le RPVA, d’adresser les actes par lettre recommandée. Mais comme l’indique la Cour d’appel de Rouen, « faute de précision expresse dans ce sens, c'est seulement à compter du 1er septembre 2017, date d'entrée en vigueur du décret n° 2017- du 6 mai 2017, que cette remise pourra intervenir également par lettre recommandée ». On observera à cet égard que le décret du 2 août 2017 modifiant les modalités d'entrée en vigueur de la réforme de l’appel n’a en effet apporté aucune précision à cet égard (D. n° 2017-1227, 2 août 2017, JO 4 août ; voir « Appel et exceptions d’incompétence : clarifications relatives à l’entrée en vigueur de la réforme », Actualité du 04/08/2017).

Dès lors, en l’espèce, la déclaration d'appel ayant été adressée au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2016 en méconnaissance de ces dispositions, l'appel était donc irrecevable et le déféré devait être rejeté.
Source : Actualités du droit