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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
02/03/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 24 février 2020.
Mandat d’arrêt européen – nullité – demande de désignation d’un avocat – retard
« Le parquet général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence a notifié à M. X. le 17 décembre 2019 un mandat d’arrêt européen délivré à son encontre par le parquet général du tribunal de Vienne (Autriche) pour l’exercice de poursuites des chefs d’exploitation sexuelle d’enfants et pornographie infantile, faits commis à Vienne.
M. X. ressortissant russe, a été incarcéré par décision du même jour.
La procédure devant la chambre de l’instruction a fait l’objet d’un premier renvoi, le 31 décembre 2019, la cour ordonnant un supplément d’information aux fins de vérification d’identité de l’intéressé.
Par mémoire déposé le 14 janvier 2020, M. X. a sollicité l’annulation de la procédure, ainsi que sa remise en liberté, dans la mesure où il ne ressortait pas du dossier que l’autorité judiciaire française ait transmis à son homologue autrichienne la demande d’assistance par un avocat commis d’office en Autriche, formulée le 17 décembre 2019 lors de la notification du mandat d’arrêt européen par le procureur général.
Lors de l’audience du 15 janvier 2020, constatant que le ministère public avait transmis le jour même la demande de désignation d’avocat aux autorités autrichiennes, la chambre de l’instruction a ordonné un second renvoi à l’audience du 22 janvier 2020.
 
Pour écarter le moyen de nullité, tiré de l’absence de transmission par le procureur général de la demande de désignation d’un avocat dans l’État membre d’émission du mandat, et ordonner la remise de M. X., l’arrêt attaqué énonce que la sanction de nullité prévue par l’article 695-27 du Code de procédure pénale ne concerne que l’absence de toute mention sur le procès-verbal de l’obligation d’aviser la personne recherchée de son droit de solliciter un avocat dans le pays d’émission du mandat d’arrêt européen et que cette obligation d’informer a été respectée.
Les juges ajoutent que le renvoi de l’examen de l’affaire à sept jours a été ordonné dans l’intérêt des droits de la défense, délai pendant lequel l’avocat dans l’État membre d’émission a pu assister l’avocat dans l’Etat membre d’exécution en fournissant à celui-ci des informations et des conseils afin de garantir l’exercice effectif des droits de la personne dont la remise est demandée.
Ils en concluent que la finalité de la directive européenne transposée à l’article 695-27 du Code de procédure pénale a été respectée, le retard invoqué de la transmission de la demande de M. X. aux autorités étrangères ne lui faisant pas grief en l’absence d’atteinte aux droits de la défense.
 
En l’état de ces énonciations la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
En effet, en premier lieu, l’article 695-27 du Code de procédure pénale ne sanctionne pas de nullité le retard apporté à la transmission d’une demande de désignation d’avocat dans l’État d’émission du mandat d’arrêt.
En deuxième lieu, aucune atteinte aux droits de la défense ne saurait résulter du seul retard apporté à la communication de cette demande à l’autorité judiciaire émettrice du mandat d’arrêt, dès lors que le renvoi a été ordonné pour permettre l’exercice de ces droits.
En troisième lieu, le demandeur conserve, tout au long de la procédure, la faculté de solliciter qu’il soit mis fin à sa détention provisoire ».
Cass. crim., 26 févr. 2020, n° 20-80.813, P+B+I *
 
Restitution des objets placés – délai – compétence
« M. X. a été condamné par un arrêt prononcé contradictoirement contre lui, le 9 mars 2017 par la cour d’assises des Alpes-Maritimes.
Par un courrier daté 11 septembre 2017, et reçu le 1er décembre 2017, il a demandé au procureur de la République la restitution d’objets placés sous main de justice. Sa demande ayant été rejetée, le 21 décembre 2017, M. X. a formé un recours devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
 
Selon l’article 41-4 du Code de procédure pénale, lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d’office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n’en est pas sérieusement contestée. Si la restitution n’a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l’Etat.
Pour déclarer irrecevable la demande de restitution présentée par M. X., la chambre de l’instruction énonce qu’elle devait être formée dans les six mois du prononcé, le 9 mars 2017, de l’arrêt, contradictoire à son égard, par lequel la cour d’assises avait épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution, soit, au plus tard, le 11 septembre 2017 à minuit, jour auquel le terme de ce délai, qui expirait le samedi 9 septembre, avait été reporté, compte tenu des dispositions de l’article 801 du Code de procédure pénale.
L’arrêt retient que la demande de restitution a été présentée par un courrier daté du 11 septembre 2017, expédié par M. X., en recommandé avec demande d’avis de réception, dont le récépissé n’est pas produit, mais qui n’a pu être reçu qu’au-delà du 12 septembre 2017, ce qui le rend tardif, le premier tampon de réception de cette demande étant daté du 1er décembre 2017, alors qu’un second tampon porte la date du 4 décembre.
 
En cet état, la chambre de l’instruction a justifié sa décision et fait l’exacte application du texte précité, pour les deux raisons qui suivent :
D’une part, la date à prendre en considération pour déterminer le terme du délai pendant lequel une demande de restitution peut être présentée par courrier est celle à laquelle la demande parvient à l’autorité compétente pour y donner suite.
D’autre part, et à titre surabondant, en l’absence de production du récépissé de cet envoi, le demandeur ne démontre pas que la date du 11 septembre 2017 qu’il a portée lui-même sur ce courrier, corresponde à sa date d’expédition ».
Cass. crim., 26 févr. 2020, n° 19-82.425,  P+B+I *
 
Action civile – préjudice –direct ou indirect
« Par courrier en date du 5 décembre 2017, M. et Mme X. se sont constitués partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Chambéry, pour viols par personne ayant autorité sur la victime, pour des faits commis entre le 4 octobre 2003 et jusqu’au 23 janvier 2004 sur leurs filles S. et T. X..., nées le 12 mai 1986.
Les deux intéressées, originaires d’Ethiopie et adoptées en 1993, ont été placées le 21 avril 2001 par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, décision levée le 29 septembre 2003. Alors qu’elles devaient être remises à leurs parents le 4 octobre 2003, elles ont fugué, le 2 octobre, du foyer où elles étaient placées par le juge des enfants.
Les époux X. ont déposé une plainte, estimant que le personnel du foyer avait continué à entretenir des relations avec leurs filles pendant la fugue à laquelle il aurait pu contribuer.
Le 26 avril 2004, une information judiciaire a été ouverte du chef de non représentation d’enfant et soustraction de mineur à l’exercice de l’autorité parentale. L’instruction a été clôturée le 29 août 2008 par une ordonnance de non-lieu confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Chambéry le 29 janvier 2009. Le 30 juin 2009, la Cour de cassation a déclaré non-admis le pourvoi formé par les époux X.
Les plaignants ayant sollicité une réouverture de l’information sur charges nouvelles, le procureur de la République a diligenté une enquête. Le 28 juillet 2015, il a classé sans suite la procédure.
Le 11 juillet 2018, le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Chambéry a déclaré irrecevable la constitution de partie civile des époux X. Ces derniers ont interjeté appel de cette décision.
 
Vu les articles 2, 3 et 85 du Code de procédure pénale.
Il résulte des deux premiers articles que le droit d’exercer l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert d’un dommage, aussi bien matériel que corporel ou moral, directement causé par l’infraction.
Selon le dernier, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent.
Pour dire irrecevable la constitution de partie civile des époux X., l’arrêt attaqué énonce que le droit de la partie civile de mettre en mouvement l’action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l’infraction et que le préjudice moral qu’invoquent les époux X. ne résulte qu’indirectement du préjudice éventuel subi par leurs filles, lesquelles n’ont pas dénoncé du temps de leur minorité non plus que depuis leur majorité les viols allégués par leurs parents.
En statuant ainsi, alors que l’infraction visée aux poursuites était de nature à causer directement préjudice non seulement au mineur mais également à ses parents, les juges ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ».
Cass. crim., 26 févr. 2020, n  19-82.119,  P+B+I *
 
Droits de la défense – violation – permis de communiquer
 « M. X. a été mis en examen le vendredi 18 octobre 2019 des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment. Le même jour, ayant demandé à bénéficier d’un délai pour préparer sa défense, il a été placé par le juge des libertés et de la détention sous mandat de dépôt à durée déterminée, jusqu’au mercredi 23 octobre 2019.
Le débat différé a été fixé au lundi 21 octobre 2019 à 17 heures, l’avocat du mis en examen ayant été convoqué à cette audience par émargement du procès-verbal.
Par télécopie émise le vendredi 18 octobre 2019 à 16 heures 42, l’avocat de M. X. a sollicité la délivrance d’un permis de communiquer avec son client en vue du débat contradictoire. Ce permis de communiquer lui a été adressé par le greffe le lundi 21 octobre 2019 à 11 heures 38.
Ce même lundi 21 octobre 2019 à 14 heures 47, l’avocat de M. X. a adressé une télécopie au greffe du juge des libertés et de la détention, pour l’informer que, bien qu’ayant sollicité un permis de communiquer le vendredi 18 octobre 2019, il n’avait reçu ce permis que le lundi 21 octobre en fin de matinée, à une heure où son client avait déjà quitté la maison d’arrêt, et que n’ayant pas pu s’entretenir avec lui en détention avant le débat contradictoire, il considérait qu’il avait été porté atteinte aux droits de la défense, et sollicitait la remise en liberté de son client.
Par ordonnance du 21 octobre 2019, après un débat contradictoire tenu en l’absence de son avocat, le juge des libertés a placé M. X. en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel. Le mis en examen a relevé appel de cette décision.
 
Pour dire qu’il n’y a pas eu violation des droits de la défense en raison d’une délivrance tardive du permis de communiquer, l’arrêt attaqué énonce que le greffe du magistrat instructeur a délivré le permis de communiquer en temps utile au vu des seules informations qui avaient été portées à sa connaissance, et que le délai de transmission, le lundi matin, du permis de communiquer sollicité peu avant la fermeture du greffe le vendredi précédent, ne présente pas de caractère tardif.
Les juges ajoutent que si l’avocat du mis en examen a envoyé par télécopie un courrier au greffe du juge des libertés et de la détention le lundi 21 octobre à 14 heures 47, pour invoquer une violation des droits de la défense et annoncer qu’il demandera de mettre M. X. en liberté, il n’a pas cru devoir se présenter au débat contradictoire du lundi 21 octobre 2019, ne serait-ce que pour solliciter un renvoi possible en dépit des limites du délai contraint d’un débat différé jusqu’au 23 octobre 2019 à 24 heures.
En statuant ainsi, et dès lors que la chambre de l’instruction a relevé que l’avocat du mis en examen aurait pu solliciter le renvoi du débat contradictoire, il n’a pas été porté atteinte en l’espèce aux droits de la défense ».
Cass. crim., 19 févr. 2020, n° 19-87.545, P+B+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 avril 2020
Source : Actualités du droit