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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
17/03/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 9 mars 2020.
Procédure d’instruction – motifs – ne bis in idem 
« Le 23 septembre 2013, M. B. Y. s’est présenté au commissariat de police du 10ème arrondissement de Marseille afin de signaler la découverte d’armes dans un box qu’il louait dans les sous-sols de la résidence [...] depuis le 3 juillet 2013. Les fonctionnaires de police y ont découvert deux véhicules volés et faussement immatriculés. La fouille du coffre d’un véhicule Kangoo a permis la découverte de six sacs contenant des armes de gros calibres.
Une information judiciaire a été ouverte le 21 octobre 2013. Les investigations ayant permis d’imputer certains faits à M. A. X., les enquêteurs ont constaté que celui-ci avait pris la fuite. Un mandat d’arrêt a été délivré contre lui le 15 juin 2015.
Le tribunal correctionnel de Marseille, par jugement de défaut en date du 21 octobre 2016, a déclaré M. X. coupable des faits de la prévention et l’a condamné à dix ans d’emprisonnement.
Le mandat d’arrêt a été exécuté le 8 novembre 2017 et M. X. a été placé sous mandat de dépôt. Il a formé opposition contre la décision du 21 octobre 2016.
Le tribunal correctionnel de Marseille, par jugement contradictoire en date du 18 avril 2018, statuant sur opposition, a relaxé M. X. pour les faits de participation à une association de malfaiteurs en récidive pour une période de la prévention, ainsi que pour recel en bande organisée et détention non autorisée d’armes, en récidive. Il a déclaré le prévenu coupable des autres chefs de prévention et l’a condamné à dix ans d’emprisonnement et à cinq ans d’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation.
Le prévenu et le ministère public ont formé appel de cette décision.
 
Vu les articles 114, 114-1 et 593 du Code de procédure pénale.
Selon les deux premiers de ces textes, sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d’une procédure d’instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d’un tiers, est puni de 10 000 euros d’amende. Le délit prévu par l’article 114-1 du Code de procédure pénale suppose établi que les pièces de la procédure d’instruction diffusées auprès d’un tiers aient été remises en application de l’article 114 du même Code, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
Selon le dernier, tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Pour déclarer M. X. coupable du chef de recel de diffusion auprès d’un tiers de pièces d’une procédure d’instruction, l’arrêt retient que le prévenu reconnaît s’être vu remettre par un journaliste, dans le courant de l’été 2014, une clé USB contenant une copie actualisée du dossier d’instruction le concernant et dans lequel, compte tenu de sa fuite, il n’était pas mis en examen.
Les juges ajoutent qu’il a d’ailleurs été retrouvé sur l’ordinateur équipant le domicile de Mme C. Z., dans lequel il avait trouvé refuge et dont il se servait, le téléchargement de cette copie actualisée au 24 juin 2014.
En se déterminant ainsi, sans avoir constaté que les pièces de la procédure avaient été diffusées auprès d’un tiers en violation de l’article 114-1 du Code de procédure pénale, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
 
Vu le principe ne bis in idem ;
Des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes.
Pour dire établis les délits de détention de dépôt d’armes et d’association de malfaiteurs, l’arrêt, après avoir exposé les éléments démontrant l’implication de M. X... dans la détention du dépôt d’armes contenu dans le box de [...], relève que l’association de malfaiteurs est caractérisée notamment par la mise en commun de ces moyens d’action tendant à des passages à l’acte relevant de ce domaine d’activités spécifique dans le temps visé par la prévention.
Les juges retiennent que les éléments constitutifs du délit d’association de malfaiteurs n’exigent ni une condition particulière de durée, ni une identification de chaque membre du groupement, ni une hiérarchie particulière entre ses membres, dès lors que, comme en l’espèce, l’existence même de l’entente, son activité et ses objectifs sont suffisamment établis, peu important que les crimes ou délits auxquels tend l’association soient d’ores et déjà déterminés ou demeurent encore imprécis et que les infractions qui en sont l’objet aient été effectivement commises.
Ils ajoutent que l’identification des ADN retrouvés, les rapprochements judiciaires opérés à partir des éléments contenus dans le box et les interactions entre l’ensemble des personnes impliquées démontrent à l’évidence que le dépôt d’armes contenu dans le box de [...] constituait un fonds commun à plusieurs bandes agissant de concert ou séparément. Ils évoquent l’acquisition de téléphones dédiés, la location de box sous de fausses identités, pour y dissimuler notamment des véhicules volés, des armes lourdes, des munitions, des explosifs, des brouilleurs d’ondes, des postiches, des tenues de camouflages, le tout, de façon très manifestement concertée et collective, afin de concevoir et préparer d’autres actions illicites du type vols avec arme, séquestrations ou assassinats.
En prononçant ainsi, par des motifs dont il résulte que les faits de détention d’un dépôt d’armes dont le prévenu a été reconnu coupable sont inclus dans les faits d’association de malfaiteurs réprimés par ailleurs et procèdent de la même intention coupable, la cour d’appel a méconnu le principe sus-énoncé.
La cassation est par conséquent encourue ».
Cass. crim., 11 mars 2020, n° 19-84.887, P+B+I *
 
Procès-verbal – débats – questions spéciales
« M. X. a été mis en accusation et renvoyé devant la cour d’assises de la Corse-du-Sud pour viols, tentative et agressions sexuelles aggravés.
Par arrêt du 21 novembre 2017, cette juridiction a déclaré l’accusé coupable, l’a condamné à la peine de douze ans de réclusion criminelle et, par arrêt distinct, a prononcé sur les intérêts civils.
M. X. et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
 
Vu les articles 6-3 de la Convention européenne des droits de l’homme, 348 et 356 du Code de procédure pénale :
Il résulte du texte conventionnel susvisé que tout accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui et doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
Selon les dispositions des deux derniers textes, s’il résulte des débats que les faits sont susceptibles de comporter une circonstance non prévue par la décision de mise en accusation, le président de la cour d’assises doit avertir le ministère public et les parties, avant les réquisitions et plaidoiries, qu’il envisage de poser une question spéciale, dont il est donné lecture, sauf si les parties y renoncent.
Le procès-verbal des débats fait apparaître, qu’après clôture de ceux-ci, et après avoir donné la parole au ministère public et aux parties, le président a donné lecture des questions posées dans les termes de la décision de renvoi et de trois questions spéciales, relatives au caractère incestueux des infractions, auxquelles la cour et le jury auraient à répondre, en application de l’article 348 du Code de procédure pénale.
En procédant ainsi, sans qu’il ressorte des énonciations du procès-verbal des débats que, pour permettre à l’accusé ou à son avocat de faire valoir toutes observations utiles à la défense, le président ait prévenu les parties, avant les plaidoiries et réquisitions, qu’il envisageait de poser, comme résultant des débats, lesdites questions spéciales, celui-ci a méconnu les textes et les principes susvisés.
La cassation est par conséquent encourue de ce chef ».
Cass. crim., 11 mars 2020, n° 19-80.366, P+B+I *
 
Permis de communiquer – délivrance
« Le 20 novembre 2019, M. X., mis en examen par le juge d’instruction de Versailles des chefs précités, a comparu devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire et a sollicité un délai pour préparer sa défense, de sorte que l’examen de l’affaire a été renvoyé au 22 novembre suivant, à 11 heures, avec incarcération provisoire de l’intéressé.
Par deux télécopies en date des 20 novembre 2019 à 21 heures 05 et 21 novembre à 17 heures 17, son avocat choisi, Maître K., inscrit au barreau de Versailles, a sollicité la délivrance d’un permis de communiquer en précisant que ne pouvant se présenter en personne au cabinet du magistrat instructeur, il souhaitait que la copie de celui-ci lui soit adressée par télécopie ou par courriel.
Le 22 novembre 2019, le conseil de M.X. a informé le juge des libertés et de la détention qu’aucun permis de communiquer ne lui ayant été délivré, il ne se présenterait pas au débat contradictoire différé.
Le même jour, est intervenu, en l’absence de Maître K., le débat contradictoire différé à l’issue duquel la personne mise en examen a été placée en détention provisoire.
 
Pour rejeter la demande de nullité de l’ordonnance de placement en détention provisoire de M. X., prise de l’absence de délivrance d’un permis de communiquer, l’arrêt attaqué énonce que le juge d’instruction a délivré celui-ci le 21 novembre 2019, comme en attestent la capture d’écran « cassiopée » et la copie certifiée conforme de celui-ci.
Les juges relèvent que le Code de procédure pénale dispose que le permis doit être délivré et non remis au conseil, à qui il appartient de faire diligence pour en prendre possession et, qu’en l’espèce, le conseil ne fait état d’aucune circonstance insurmontable qui l’aurait empêché de se rendre au cabinet du juge d’instruction pour récupérer ce permis alors que son cabinet est situé dans la même ville que le siège du tribunal de grande instance.
Ils ajoutent qu’il n’est pas plus allégué par le conseil qu’il se soit enquis auprès du cabinet du juge d’instruction des modalités de délivrance dudit permis, quérable et non portable.
Ils relèvent enfin que le conseil n’a pas sollicité de reporter le débat sur la détention qui pouvait être organisé jusqu’au 25 novembre 2019.
En l’état de ces énonciations, et dès lors que le permis de communiquer, sollicité le 20 novembre 2019, à 21 heures 05, a été délivré par le juge d’instruction dès le 21 novembre 2019, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En effet, il appartenait au conseil du prévenu, s’il estimait n’être pas en mesure d’effectuer les démarches nécessaires pour retirer le permis de communiquer et s’entretenir, en temps utile, avec son client avant la tenue du débat contradictoire différé, de solliciter un report de celui-ci, qui pouvait intervenir jusqu’au 25 novembre 2019.
Le moyen ne peut dès lors être accueilli ».
Cass. crim., 10 mars 2020, n° 19-87.757, P+B+I *
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 17 avril 2020.
 
Source : Actualités du droit